Découvrez un outil numérique pour y intéresser vos élèves dans votre classe de FLS!
Laura Hermans-Nymark
Il y a quelques années, lors d’un cours de didactique du FLS que j’enseigne, j’ai posé cette question aux futur.es enseignant.es : quel français devez-vous encore apprendre pour bien communiquer avec vos futurs élèves? Curieusement, la réponse a été le français informel. Pour illustrer ce point, une future enseignante a raconté qu’en 11e année, elle avait participé à un voyage à Montréal avec sa classe. Le premier arrêt était dans un café et, enthousiaste de pouvoir utiliser son français, elle s’est approchée du comptoir pour passer sa commande. Elle a hésité; elle n’était pas sûre de ce qu’elle devait dire. Elle s’est finalement souvenue de quelques phrases simples, mais elles semblaient rigides et formelles, et ne ressemblaient pas du tout au français facile et décontracté que parlaient les gens autour d’elle. Son point de vue, partagé par ses camarades de classe et documenté dans la recherche (Roy, 2010; Lyster, 2016), était, qu’en tant qu’élèves, ils avaient appris le français scolaire, mais pas vraiment le français quotidien et informel.
Au-delà de l’expérience anecdotique, qu’en disent les programmes et la recherche?
Une recherche tenue auprès d’élèves anglophone au secondaire témoigne que 63 % d’entre eux trouvent que l’apprentissage du français, langue seconde, est déconnecté de la culture francophone actuelle (Amireault, Paquette et al., 2021).
La culture francophone en dehors de la classe de français est différente. Par exemple, les francophones utilisent l’argot français pour communiquer. Puis, dans la classe, on utilise le français plus «propre». — Réponse d’un.e élève au questionnaire de recherche
Aussi, non seulement l’apprentissage du français informel répond à un besoin exprimé par les élèves, mais il est également au cœur des programmes de français, langue seconde du Québec.
En effet, dès le primaire, il est attendu dans le programme de base que l’élève québécois non francophone […] se prépare…..] à communiquer en français dans la communauté francophone (p.110) et, dans le programme d’immersion, que l’élève apprenne une langue seconde afin d’avoir un moyen privilégié d’accéder aux diverses facettes de la culture qui y est associée (p.124). Ainsi, l’enseignement du français informel ouvre la porte tant à la découverte de différents visages des cultures francophones du Québec que de la préparation de l’élève à des communications authentiques à l’extérieur de la salle de classe.
Au premier cycle du secondaire, tant dans les programmes de base qu’enrichi, l’apprentissage du français, langue seconde, doit fournir à l’élève du secteur anglophone les outils dont il a besoin pour participer à la vie francophone, tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel ou social (p.131).
Au deuxième cycle du secondaire, le programme de base doit préparer l’élève du secteur anglophone à participer à la vie de la communauté francophone du Québec (p.1). De surcroit, le programme enrichi vise également à amener l’élève du secteur anglophone à comprendre le milieu québécois francophone et sa culture [et] à s’y intégrer de façon harmonieuse (p.1).
D’un point de vue plus global, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), largement utilisé comme référence partout au pays, souligne que le but de la langue est de communiquer avec les autres (Conseil de l’Europe, 2021), et, qu’en interagissant avec d’autres personnes, la langue sert à établir des liens avec les autres (Piccardo & North, 2019). De plus, selon le CECR, on peut intégrer des éléments du français informel à tous les niveaux pour mieux s’approcher de l’objectif d’enseigner la langue que les élèves rencontreront dans des situations réelles :
- Au niveau pré-A1 et A1 (qui correspond globalement aux attentes des programmes de base au primaire), les élèves apprennent à utiliser des expressions pour réaliser des tâches authentiques, comme se présenter entre amis (Conseil de l’Europe, 2001, p. 25).
- Au niveau B1 (qui correspond globalement aux attentes de fin de premier cycle secondaire en dans le programme enrichi et de fin de deuxième cycle secondaire dans le programme de base), les élèves apprennent à donner ou solliciter des avis et opinions dans une discussion informelle entre amis (Conseil de l’Europe, 2001, p. 32).
En somme, il ne s’agit pas de n’enseigner qu’une forme ou l’autre de la langue française, mais de bien préparer nos élèves à interagir dans les différents contextes sociaux auxquels ils seront exposés.
Formel? Informel? C’est quoi l’affaire?
Or, lorsque nous pensons aux conversations quotidiennes et informelles, qu’entendons-nous exactement? Les caractéristiques impliquent des différences au niveau du lexique, de la syntaxe et de la prononciation. Par exemple, sur le plan des choix lexicaux ou du vocabulaire, un registre formel pour «How are you ?» en français est «Comment vas-tu?» alors que la version informelle est «Ça va ?». La syntaxe implique l’ordre des mots dans la formation des questions et l’absence du ne dans la négation. Par exemple, en français formel, on dirait « Quel devoir faut-il faire ? » pour demander quels devoirs doivent être accomplis alors qu’en français informel, on demanderait «Faut faire quel devoir? ». En ce qui à trait à la suppression du ne, la phrase «Je ne sais pas» devient «Je sais pas ». Enfin, en français, de nombreux sons sont avalés. Des phrases telles que «Qu’est-ce que tu veux ?» en français informel deviennent «Qu’est-ce tu veux ?».
Apprendre à utiliser des expressions et des phrases informelles peut rendre le français des élèves plus décontracté, plus naturel et ressembler à ce qu’ils entendent dans de nombreuses situations de la vie courante. Or, comment l’enseigner? C’est la question à laquelle l’équipe Camerise FLS, un projet de collaboration financé par Patrimoine Canada et l’Université York pour créer une plaque tournante de ressources en français, a voulu répondre en élaborant une ressource éducative libre (RÉL).
Jaser en français – Une ressource numérique à votre service
Intitulée Jaser en français : accompagnement didactique et plans de leçon pour l’enseignement du français informel, cette ressource aide les enseignant.es à favoriser la capacité des élèves à accomplir des tâches de la vie réelle en utilisant un français quotidien et informel. Le document contient un volet didactique et trois exemples de plans de leçons pour les niveaux A1, A2 et B1 du CECR.
Chaque plan de leçon inclut les éléments suivants :
- Une tâche actionnelle liée à un énoncé « je peux » du CECR.
- La séquence pédagogique des activités de la classe et le temps estimé pour chaque étape.
- Des activités d’échauffement pour activer les connaissances antérieures.
- Des diapositives à présenter à la classe
- Des fiches d’activité pour les exercices de pratique en petits groupes et individuels.
- Des conversations enregistrées avec des voix canadiennes
- Une « boîte à outils » pratique qui présente les éléments pédagogiques du plan de leçon.
- Une tâche actionnelle finale pour appliquer les concepts pratiqués et appris.
- Des fiches d’autoévaluation permettant aux élèves de réfléchir à leur apprentissage.
Chaque plan de leçon suit une séquence en neuf étapes illustrée ci-dessous à titre d’exemple.
Étape du plan | Qu’est-ce qu’on fait? | À quoi est-ce que ça ressemble? |
1 Définir l’énoncé «je peux» et la tâche actionnelle | Le plan de leçon est construit pour aboutir à un énoncé « je peux » qui est renforcé à travers une tâche actionnelle spécifique. | |
2 Activer les connaissances antérieures | Les élèves prennent part à un jeu qui suscite l’utilisation du vocabulaire déjà connu autour de la thématique. | |
3 Présenter le but de la tâche actionnelle | L’objectif communicatif de la leçon est présenté à travers l’énoncé de la tâche actionnelle qui est reliée à la vie quotidienne des élèves (par exemple les devoirs). | |
4 Présenter les nouveaux concepts/informations | Les élèves découvrent une boîte à outils contenant des phrases en français, allant du formel à l’informel. Ils les associent aux niveaux de langue grâce à une activité d’écoute et de lecture. | |
5 Renforcer les nouveaux concepts/informations | Les élèves écoutent de manière active une conversation informelle. À travers des exercices lacunaires et d’association, on enrichit le vocabulaire en vue de se préparer pour la tâche finale. | |
6 Expliquer et modéliser la tâche | Après la présentation et la révision des mots inconnus, une démonstration de l’activité est faite avec toute la classe. | |
7 Discuter des critères de réussite | Les élèves se familiarisent avec les critères de succès qui seront utilisés pour évaluer l’activité de production orale et la classe est invitée à en discuter ensemble. | |
8 Encourager la pratique et la répétition | En petits groupes, les élèves mobilisent les nouvelles connaissances dans une activité de production orale engageante qui s’inscrit dans l’objectif communicatif dans la leçon. | |
9 Faire l’autoévaluation et l’évaluation | L’évaluation se déroule en deux étapes. Les élèves mènent une réflexion sur leur apprentissage en utilisant des critères établis préalablement lors d’une activité d’autoévaluation. L’enseignant.e conclut la leçon en faisant des rétroactions basées sur les observations relevées durant l’activité de production orale. |
À noter : la technologie permet de télécharger et d’adapter facilement les activités. De plus, les activités peuvent être utilisées en classe, en ligne ou en mode hybride.
Conclusion
Nous vous invitons à essayer notre ressource, et que l’utilisation de Jaser en français encouragera vos élèves à jouer avec la langue, à expérimenter et à s’amuser avec le français. Finalement, nous souhaitons que cette ressource aide vos élèves à cheminer vers un objectif qui est partagé par tous les apprenants de langues : Être capable de… jaser en français dans toutes les sphères de leur vie! en utilisant un français formel… ou informel.
Références
Amireault, V. et Paquette, M.-A. (2021). Appartenances linguistiques et utilisation de la langue-cible d’apprenants du français langue seconde à Montréal. Congrès du Centre canadien d’études et de recherche en bilinguisme et aménagement linguistique (CCERBAL). Ottawa, Ottawa, 29 avril-1er mai.
Conseil de l’Europe. (2001). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. https://rm.coe.int/16802fc3a8
Lyster, R. (2016). Vers une approche intégrée en immersion. Les éditions CEC. https://www.editionscec.com/qc_fr/vers-une-approche-integree-en-immersion.html
Piccardo, E., & North, B. (2019). The action-oriented approach: A dynamic vision of language education. Multilingual Matters.
Roy, S. (2010). Not truly, not entirely…Pas comme les Francophones. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 33(3), 541–563. https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3086