Alors qu’un jour, des collègues et moi, tous conseillers pédagogiques en intégration des TIC (technologies de l’information et de la communication), étions animés d’un grand enthousiasme lors d’une rencontre, j’ai lancé une question dont les multiples réponses ne m’ont pas laissé indifférent: quel genre d’enseignants étiez-vous avant de devenir des conseillers pédagogiques? Un à un, mes collègues ont répondu. Assez rapidement, il était évident que nous avions tous un point en commun que je résume par l’expression suivante: le courage de la vulnérabilité.
Les enseignants sont magnifiques. Ils possèdent de merveilleuses qualités et la plupart d’entre eux manifestent un dévouement désintéressé hors pairs. Plusieurs d’entre eux valorisent l’organisation et sont passés maîtres dans le fait de ne rien laisser au hasard. Après tout, beaucoup d’emphase est mis sur la planification lors de notre formation universitaire en éducation. Rares sont les enseignants qui ne couchent pas par écrit leur planification de cours et plusieurs ont plus d’une planification prêtes “au cas où”… Dans un contexte comme celui-là, l’enseignant doit d’être en contrôle du déroulement du cours, du comportement de ses élèves, etc.
Dans un cadre aussi structuré et rigide, comment la vulnérabilité pourrait-elle avoir sa place? Soyons clair, lorsque je parle de vulnérabilité, je ne parle pas d’insouciance ni d’une position de faiblesse. Je parle plutôt d’une prise de conscience; du fait qu’on ne peut tout contrôler, ni qu’il soit souhaitable de tenter y parvenir, surtout lorsqu’il s’agit d’intégrer les TIC en classe.
Dans ce court texte, je ferai part de comportements qui selon moi, mènent vers les effets bénéfiques de ce que j’appelle “le courage de la vulnérabilité”. Ces comportements proviennent d’observations, de diverses conversations mais ne sont aucunement soulignés par de quelconques données empiriques.
Familiarisez-vous avec un outil technologique en compagnie des élèves au lieu de vouloir à tout prix le faire avant eux et le leur enseigner par la suite.
Plusieurs enseignants veulent mieux connaitre l’outil technologique sur lequel ils jettent leur dévolu avant de l’introduire à leurs élèves. Ceci constitue selon moi une grossière erreur. Les technologies de l’information et de la communication sont en constante évolution. Il est impossible pour un enseignant de les connaitre toutes et encore plus, de les maitriser. En effet, s’il avait fallu attendre de connaitre toutes les fonctions de Word avant de l’utiliser, rares seraient ceux et celles qui le feraient. Et pourtant, ce logiciel est largement utilisé. L’un des points communs des conseillers pédagogiques dont je parlais au début de cet article est que non seulement ils ne s’attardaient pas à maitriser un logiciel mais plusieurs d’entre eux ne faisaient que permettre aux élèves de l’explorer par eux-mêmes, et ceci sans nécessairement le connaitre de fond en comble. En faire l’essai en vaut la peine, car un petit miracle se produit alors: les élèves se débrouillent souvent sans l’aide de l’enseignant et celui-ci devient qu’un apprenant de plus dans la salle de classe. Il est cependant important de mentionner que même si ce miracle se produit, il est préférable que l’enseignant apprenne également à utiliser l’outil technologique, car cela lui permettra d’être plus à l’aise avec celui-ci lorsqu’on considère la possibilité d’un réinvestissement futur auprès d’autres élèves. De plus, cela lui permet d’explorer et d’apprivoiser la dite “vulnérabilité” souhaitée. Dans un contexte comme celui-ci, le rôle de l’enseignant est de connaître les possibilités qu’offre l’outil en question et de le rendre accessible aux élèves. Ceux-ci ne tardent pas à comprendre qu’il suffit en général de procéder par essais et erreurs afin de parvenir à leur fin. Ils prennent conscience également que s’ils n’arrivent pas à comprendre quelque chose, ils n’ont qu’à consulter un autre élève ou des ressources indispensables comme Youtube. Comme je me plaisais de dire à mes élèves: “il y a quelqu’un quelque part sur la planète qui a vécu le même problème et qui offre probablement une solution à celui-ci sur Youtube ou au moyen d’un blogue”.
Soyez à l’affût des nouvelles possibilités
Le courage d’être vulnérable, c’est également refuser d’avoir recours à ce que nous connaissons bien au profit de nouveaux produits, de nouvelles possibilités ou façons de faire. En effet, ce n’est pas parce que nous sommes à l’aise avec un logiciel spécifique que nous devons toujours continuer à l’utiliser. Habituellement, il y a souvent un nouveau logiciel ou une nouvelle application qui fait ce qu’on recherche plus simplement et plus efficacement. Pour ce faire cependant, il faut être à l’aise avec l’idée qu’il faudra s’adapter à une nouvelle façon de faire et d’encore une fois de se soumettre à la vulnérabilité.
Mes collègues avaient également en commun le fait qu’année après année, ils amenaient leurs élèves à relever différents défis et se lançaient sans hésitation dans de nouveaux projets. Ils ne se bornaient pas à répéter le même année après année. De cette manière, les enseignants et leurs élèves étaient constamment en train d’apprendre. Ceci peut également expliquer en partie la vaste connaissance en intégration des TICs que possèdent ces pédagogues aujourd’hui. Celle-ci est le fruit des multiples situations pédagoqiques qu’ils ont accepté de vivre et de construire.
Valorisez l’apprentissage professionnel
Le courage d’être vulnérable, c’est aussi reconnaitre ses limites et du fait même, l’importance de l’apprentissage professionnel (communément appelé “développement professionnel”). Les enseignants qui manifestent ce comportement aiment suivre de nombreuses formations même s’ils sont eux-mêmes des leaders et des experts dans leur domaine. L’apprentissage est au coeur de leur enseignement. Malheureusement, il arrive parfois que les formations offertes soient peu intéressantes, tant par leur nature qu’en raison de celui ou celle qui les présente. Si c’est le cas, est-il possible d’adopter une disposition d’esprit qui nous permette de construire sur ne serait-ce qu’une idée présentée? Il ne suffit que d’une idée pour parvenir à de grandes réalisations. L’apprentissage professionnel ne se fait pas qu’au moyen de congrès ou de journées de formations pédagogiques, elle se fait également en ligne en participant aux groupes pédagogiques de nombreuses plateformes numériques, notamment au moyen des réseaux sociaux. Avez-vous recours à Twitter, Youtube, Facebook, Pinterest, aux forums de discussions pédagogiques, aux conférences web, aux MOOCs, etc.? Il existe une multitude de ressources en ligne qui nous donnent la possibilité d’être bien outillés et ainsi accroitre nos connaissances et compétences dans une perspective d’apprentissage professionnel. Les enseignants qui accordent de la valeur à l’apprentissage professionnel constituent des apprenants à vie et comprennent qu’aucun progrès ne naîtra du statut quo.
Êtes-vous vulnérable?
Le savoir se construit. Ceci est aussi vrai pour nous que pour nos élèves. Être vulnérable n’est pas une mince tâche. Loin de constituer une preuve de lâcheté, elle témoigne plutôt d’un grand courage.
Je souhaite donc à tous les enseignants qui souhaitent intégrer les TICs efficacement de constater les bienfaits qu’apporte la vulnérabilité. Lâchons prise! Déléguons à nos élèves une partie du contrôle que nous possédons. Certes, nous ne nous retrouverons peut-être pas à l’endroit précis que nous nous étions fixés en début d’année, voir durant l’été. Non, nous nous retrouverons plutôt en territoire inconnue mais assurément idyllique.
Tu me trouves en accord avec ton message, mais je me demande comment rassurer un prof (moi-même), qui de nature se veut en contrôle de toute éventualité, de s’y lancer, comme dans le vide, et que rien de catastrophique ne se produira… Personnellement, j’ai un long chemin à faire!!!
Merci d’avoir pris le temps de partager ta réaction face ce texte.
Je ne prétendrai jamais avoir LA solution quant à cette situation délicate. Je ne peux offrir qu’une perspective basée sur mon expérience et celle d’autres enseignants, expérience qui nous a définitivement été bénéfique. Il ne faut pas espérer qu’aucun problème ne surgira. Un problème n’est qu’une nouvelle situation face à laquelle nous ne savons pas comment réagir. Lorsque cela arrive, nous devons, en tant qu’enseignants, chercher à comprendre comment réagir (et ainsi résoudre le problème). Si nous n’y parvenons pas par nous-mêmes, quelqu’un quelque part sera en mesure de nous aider. Et là se trouve la richesse de se lancer dans de nouvelles situations. La somme de ces situations “catastrophiques” nous aura permis d’en savoir plus et de grandir en tant qu’enseignant. La fois suivante où un problème semblable surgira, nous saurons comment réagir.
N’ayons pas peur de “perdre la face” devant nos élèves. Il suffit de leur dire:”Je ne sais pas comment faire. J’invite tous les élèves à essayer de résoudre le problème et à nous communiquer la solution une fois trouvée. Si nous ne savons toujours pas comment faire avant la fin du cours, je me renseignerai avant la prochaine fois…”.
Donc, pour répondre à ton commentaire, je ne pense pas qu’on puisse se rassurer quant aux problèmes qui pourraient surgir, car ils vont définitivement se présenter. Il faut changer notre état d’esprit et au contraire, se préparer à les résoudre quand ce sera le cas. Une fois que nous prenons l’habitude d’adopter un état d’esprit semblable, nous ressentons beaucoup moins d’inquiétude et hésitons moins à nous lancer dans le vide.